REEL, Eric Arlix – Editions JOU
Réel, une symphonie dystopique en 3 mouvements orchestrée avec maestria par Eric Arlix. Editions JOU
Shanghaï, la veille de Noël. Dans un centre commercial immense, So-So, Cindy, Monsieur Wang, Fat Chan, la femme Tao, Nikki… – en tout une dizaine de personnages – vont se croiser, entrer en contact, se suivre, se télescoper entre 9h02 et 20h. Le texte file en courts chapitres qui slaloment entre les 8 niveaux du centre commercial, d’un étage à l’autre, d’un personnage l’autre, et enfile de courtes scènes qui finissent par former un tableau kaléidoscopique saisissant, composé de mini situations ultra réalistes. En effet, la plume acérée d’Eric Arlix rend à la perfection nos tics et habitus contemporains. On peine pour l’obèse Fat Chan, on plaint Nikki pour son obsession de la chirurgie esthétique, on se voit dans les gestes de consommation effrénée et aussi dans le regard de So-So la barista maoïste. On passe d’un personnage à l’autre, d’une situation l’autre avec frénésie comme on fait défiler nos pages web sur un smartphone. Aussi addictif qu’une série, dès le début on est happé, dès le début on sourit jaune. Et puis…
Ici raconter serait révéler tant cette fiction de 156 pages a la rapidité et la concision d’une arme nucléaire.
… c’est le second mouvement. Tout s’accélère. Le lecteur éprouve là une autre texture narrative car l’intrigue prend la forme d’une folle énumération au cours de laquelle est révélée la nature véritable des personnages que l’on vient de suivre fiévreusement pendant 109 pages et qui jette un éclairage sur le premier livre comme une bombe à retardement.
Enfin, le troisième et dernier mouvement, très court, plonge le lecteur dans une apocalypse qui rivalise avec les plus belles pages de La Route de Mc Carthy. Et oui, ça se gâte dans notre histoire mystérieuse… Et si c’était en train d’arriver ? Et si c’était déjà là ?
C’est là et c’est flippant nous dit Arlix. Si le réel c’est quand ça cogne, préparez votre gilet pare-balle !