Les hémisphères, Mario Cuenca Sandoval

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Deux jeunes étudiants, Gabriel et Hubert, se trouvent à Ibiza. Ils viennent d’y passer des vacances où ils ont donné libre cours à leurs passions communes: les discussions sur le cinéma, les filles, l’alcool et une poudre orange, la dantéine, qu’ils consomment sans relâche. Sous son emprise, ils ont un accident de voiture qui provoque la mort d’une jeune femme. La disparition de cette inconnue au corps fascinant ? elle a des jambes interminables et ne possède pas de nombril ? va les conduire, chacun de son côté, à la poursuite d’une silhouette à peine aperçue mais néanmoins obsédante, celle qui restera à tout jamais  la Première Femme.

Près de trente ans plus tard, les anciens amis semblent retrouver La Première sous les traits de Carmen, une femme qu’ils vont tous deux aimer. Avant de la perdre, à Barcelone, de manière tragique. Tout comme Gabriel, à Paris cette fois, perdra bientôt Mériem – nouvelle incarnation de La Première. Dans une seconde partie hallucinée, la quête amoureuse tourne au road movie  avant de s’achever, de manière magistrale, au cœur d’un volcan.

Remake avoué de Sueurs Froides (Vertigo) de Hitchcock, Les Hémisphères se lisent aussi comme une descente aux enfers, relecture moderne de Dante à la poursuite d’une ombre car depuis Lacan nous savons que La Femme n’existe pas.

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Mario Cuenca Sandoval est né à Sabadell en 1975 et réside actuellement en Andalousie, à Cordoue, où il enseigne la philosophie. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésie, de nouvelles et de trois romans. Il a été plusieurs fois primé. Les Hémisphères est publié aux éditions du Seuil.

Vladimir Vladimirovitch, Bernard Chambaz

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On s’interroge. Quel est le contenu de ce roman, dont le titre renvoie à un prénom, Vladimir Vladimirovitch, qui est celui d’un homonyme du Président Poutine. On fait donc connaissance avec les deux Poutine, dans la Russie d’hier et d’aujourd’hui. C’est à travers ces deux hommes, des doubles en quelle sorte, que B.Chambaz nous raconte la vie au jour le jour, des protagonistes qui peuplent ce roman extraordinaire. L’intrigue, autant que le thème du roman sont exceptionnels, les personnages sont décrits avec une rare intelligence. On rencontre les choses de la vie ; l’amitié, l’amour et la sensualité sont évoqués avec pudeur.

La politique tient, comme il se doit, une grande place dans ce livre qui nous apprend ou nous rappelle qu’elle décide du destin des femmes et des hommes qui font l’Histoire.
Lisez ce livre, partagez-le, sa lecture est un cadeau que Bernard Chambaz nous offre pour cette rentrée littéraire.

Max

 

Coup de cœur 5 étoiles : La septième fonction du langage, Laurent Binet – Grasset

septiemeFonctionDuLangageSi la vie n’est pas un roman, le roman, lui, permet d’en vivre plusieurs. Et c’est ce qui arrive ici à Roland Barthes qui, sa vie durant, essaya d’élucider le mystère des forges romanesques. Au tout début de l’après-midi du 25 février 1980, le célèbre sémiologue est percuté par une camionnette de blanchisserie. Il décédera un mois plus tard. L’Histoire a retenu le tragique fait divers, le roman ne saurait s’en contenter. Roland Barthes n’est pas mort d’un accident de voiture : il a été assassiné. Voilà le point de départ de ce San Antonio chez les sémiologues signé Laurent Binet.

L’enquête est menée par un flic pour qui la sémiologie est aussi limpide que la physique quantique pour un caniche. Il s’adjoint bientôt les services de consultant d’un jeune professeur de la fac de Vincennes (creuset de révolutionnaires chevelus). Le tandem improbable s’en va alors inquiéter les milieux intellectuels et politiques de l’époque (nous sommes en 1980, à la veille de l’élection de Mitterrand) au cours d’un road trip Paris-USA-Italie et retour, où l’on croise Michel Foucault défoncé au LSD dans les backrooms, Julia Kristeva en cuisine & Sollers sur canapé, Roman Jacobson, la jeune Judith Butler, Avita Ronnel, les Jacques (Derrida en chaire & Lacan en manque de chair), Umberto Ecco et l’ineffable BHL.

Prof de Lettres à la fac, Binet connaît son sujet sur le bout des doigts et nous embarque dans une enquête palpitante (vrai, on est là sur une intrigue qui tire toutes les ficelles du polar) et une galerie de portraits hilarante pour démêler la raison obscure qui poussa l’assassin à estourbir cet inoffensif rat de bibliothèque. Les deux acolytes ont tôt fait de découvrir l’existense d’une espèce de Fight club* de la faconde…

Crises de fou rire garanties.

Carré blanc tout de même pour les âmes sensibles : on y voit Sollers perdre ses deux précieuses sous la machoire d’un sécateur. Et, à ce propos, la presse raconte que les avocats de Grasset n’ont pas pris de vacances cet été …

 

* Excellentissime roman de Chuck Palaniuk adapté au cinéma par David Fincher